mardi 15 avril 2008

Au pays qui te ressemble

Des moments comme celui-là, on y a pas droit toute l'année. C'est seulement en été, quand les soucis liés de près ou de loin aux études, au travail, à la vie quotidienne et banale, sont inexistants. Quand il peut faire beau, et chaud, quand le temps ralentit. Tu t'es installé dans un hamac, sur le perron, à l'ombre. Depuis combien de temps ? Qui sait ? Le temps semble s'être arrêté.

Le soleil n'est pas encore couché mais, comme fatigué d'avoir tant tapé toute la journée, il n'est plus si agressif. Il fait encore très chaud. Mais ce n'est plus la chaleur étouffante de midi. Une brise légère, tellement légère que tu la sens à peine, mais agréable. La température parfaite.

D'ici tu as une vue d'ensemble sur le jardin. L'herbe est sèche, jaunie, et c'est comme ça sur des mètres et des mètres. Les quelques fleurs qui résistaient jusqu'à l'arrivée de l'été ne sont pas en meilleur état, mais tu ne penses jamais à les arroser. Les arbres sont plutôt rares, ils sont tassés au fond du jardin et dispensent peu d'ombre, en égoïstes qu'ils sont. Au nord, le mur de la maison des voisins. Les volets sont tous fermés, ils s'enferment toujours, de toute façon. Toi tu as ouvert toutes les fenêtres comme toujours en fin de journée.

Tu fermes les yeux. Tu as l'impression qu'il suffit de tendre l'oreille pour entendre le silence. Le silence ? Quelle idée. Tu entends le chant des cigales, régulier, qui passeraient l'été à chanter selon un certain fabuliste peu connu du grand public, il est vrai. Enfin, tu restes sceptique. Et puis, ce n'est pas tout. Tu entends également, doucement secoué par le vent, le carillon pendu au dessus de la porte. Si tu avais su, tu ne l'aurais jamais installé.

Et l'odeur. Une petite odeur de brûlé, d'herbe brûlée même. De fleurs sèches, aussi. Tu te dis que ça sent l'été, sans plus.

Quelque chose vient s'écraser sur ton front. Une goutte d'eau ? Tu ouvres les yeux, surpris, juste à temps pour voir les premières gouttes de pluie s'écraser dans le jardin. Et sur la maison du voisin. Sur ton hamac. En quelques secondes tu es trempé. Des nuages ont caché le soleil qui rendait ton jardin doré, tout tourne au gris, l'herbe jaune devient boueuse, les cigales ont arrêté de chanter. Le vent s'est levé, tu as froid, le carillon continue de sonner, quelques petites notes perçantes et lancinantes qui t'exaspèrent.

Et ton voisin qui a ouvert sa fenêtre, qui te regarde de haut, avec ses yeux noirs. Sa sale face de rat présente de nombreuses similitudes avec le mauvais temps, tiens. Sa mauvaise humeur semble enfin être comblée, et c'est avec un petit sourire victorieux qu'il t'observe. Tu t'en fous. Il n'a rien gagné du tout.

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