mardi 8 avril 2008

Mais on s'en fout !

La cloche vient de sonner, mais personne ne sort, contrairement à l'habitude. Dans les classes d'à côté, on entend les raclements de chaises, les voix des élèves ravis de pouvoir enfin cesser de chuchoter, les professeurs qui donnent les devoirs en catastrophe avant que les élèves ne se sauvent, les portes qui s'ouvrent. Dans ta classe, personne n'a bougé. Personne n'a levé la tête. Personne n'a terminé son contrôle. Tout le monde l'a trouvé horriblement difficile, et même eux qui n'ont plus rien à écrire n'osent pas sortir, comme s'ils espéraient que l'inspiration allait brusquement leur venir. Une petite idée, rien qu'une petite, pour avoir la moyenne ! Toi non plus, rien ne te vient plus. Tu as déjà passé toute l'heure à chercher, c'est pas mainenant que tu vas trouver. Personne n'ose partir en premier, c'est mal vu. Dépitée tu finis par te lever, surprenant tout le monde par le bruit de ta chaise, tu rends ta feuille où traînent quelques phrases désespérées, et tu sors en refermant la porte derrière toi.

Le couloir est déjà désert, les élèves des autres classes sont descendus. Toute seule, tu soupires, appuyée contre la vitre. La fenêtre ne s'ouvre pas, depuis l'année dernière, mais tu aurais bien besoin d'air. Tu as laissé tomber ton sac au sol et tu remets ton manteau avec lassitude, c'est toujours la même chose. De toute façon, le français, c'est pas ton truc. Qu'est-ce que tu en sais, toi, des romans réalistes et de la métaphore de Paris dans le livre ? Tiens, la porte s'ouvre, un deuxième courageux - ou peu inspiré - qui te rejoint ?


"T'as réussi ?"

Question bateau, qu'il te pose. Mais tu ne peux pas lui en vouloir, après tout tu ne le connais pas trop, de quoi pourriez-vous parler, à part ça ? Et puis après avoir passé une heure à se prendre la tête pour rien, à tourner et retourner les questions dans ta tête, sans rien trouver de sensé à y répondre, à te parler à toi-même, tu as besoin de parler à voix haute, d'entendre une voix humaine.

"Non, j'avais vraiment rien à répondre ... Et toi ?"

Ah, ça, pour ne rien avoir à répondre ! Tu n'as toujours rien à répondre, d'ailleurs ! Conversation stupide, à vrai dire tu t'en fiches complètement, de ce à quoi il a réfléchi pendant une heure, et de ce qu'il a réussi à écrire. Pourtant il ne t'est pas complètement antipathique, loin de là ! Même, tu aimerais bien pouvoir discuter tranquillement avec lui. T'en faire un ami, peut-être. Dans ta classe ce ne sont pas les amis qui se bousculent ...

"Bof. De toute façon les contrôles de français c'est toujours aussi incompréhensible."

Tu hoches la tête, oui, tu sais bien. Tu le sais tellement bien que tu ne comprends pas l'utilité de le dire, d'ailleurs. Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas trouver un autre sujet de conversation ? Tu sais très bien que si vous arrêtez de parler du contrôle, vous ne parlerez de plus rien d'autre. C'est idiot. Ça t'énerve et te désespère, mais d'un autre côté tu es déjà blasée. C'est la même chose avec tout le monde, de toute façon.

"Et encore, t'as de la chance, t'as pas latin maintenant, toi."

C'est passionnant, ma foi !

"Ah, c'est vrai."

Comme s'il le savait pas ! C'est comme ça depuis le début de l'année, les emplois du temps n'ont pas brusquement changé cette semaine. Alors quoi, on va parler des cours de latin ? Dire que c'est nul, qu'on aurait jamais dû continuer, nous les cinglés qui avont gardé l'option, et que le professeur est à moitié dépressif, à moitié alcoolique ? Oh, pitié, ça doit faire quinze fois que tu le dis, depuis la rentrée ! Tout le monde s'en fiche, des cours de latin ! Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas parler de sujets plus drôles ? De points positifs ? Des vacances ? Non ! Tout le monde passe son temps àe plaindre, de toute façon, à Paris !
La porte s'ouvre à nouveau, encore un désespéré qui sort.


"Vous l'avez réussi ?"

"Mais on s'en fout !"


C'est sorti tout seul. Tu préfères te diriger vers les escaliers, après tout c'est vrai, t'as latin ... Vive le latin, quoi.

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